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Cryptomonnaies : des experts de l’Afrique y voient une opportunité, le FMI un risque

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Dans le sillage du Nigeria qui expérimente la première monnaie digitale africaine, de nombreux experts de l’Afrique pensent que cela représente une alternative au financement des économies de la région. Pour le FMI, des risques subsistent et nécessitent une régulation internationale.

La question de l’utilisation des cryptomonnaies au sein de l’économie est perçue avec de légères différences entre les experts de l’Afrique et ceux du Fonds monétaire international (FMI). Dans un blog publié le 9 décembre, par l’institution de Bretton Woods, des analystes attirent l’attention sur les risques qui sont inhérents aux cryptoactifs et proposent que soit adoptée une régulation solide pour y faire face.

« Si la capitalisation boursière des cryptoactifs de près de 2500 milliards $ indique une valeur économique importante des innovations technologiques sous-jacentes telles que la blockchain, elle pourrait aussi refléter une fraude dans un environnement de valorisations tendues. Et cela s’est observé, avec les premières réactions à la variante Omicron qui ont entraîné une forte baisse des cryptomonnaies », peut-on lire dans le document.

Ce commentaire survient alors que lors de la 16e édition de la Conférence économique africaine qui s’est tenue début décembre, à Sal au Cap-Vert, plusieurs experts de l’Afrique ont présenté la monnaie digitale comme une solution complémentaire au financement du continent. « Je pense qu’il est grand temps d’embrasser le 21e et le 22e siècle […] de créer une cryptomonnaie africaine qui serait acceptée dans chacun des Etats membres comme une devise alternative. Je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas. Cette cryptomonnaie devrait être adossée à des actifs dont nous disposons, c’est-à-dire nos ressources naturelles », a fait savoir Anouar Hassoune, directeur général de West Africa Rating Agency.

Le professeur Raymond Gilpin, économiste en chef et responsable de la stratégie, de l’analyse et de la recherche au PNUD Afrique, pense aussi qu’il y a de l’opportunité dans la digitalisation de la finance. « La digitalisation facilite les transactions financières à distance, sans que les banques aient besoin d’avoir de l’argent liquide partout dans le pays. L’argent liquide est également coûteux à imprimer et à entretenir, particulièrement en Afrique où le climat fait que les billets se détériorent rapidement. Le coût de l’impression serait également économisé si les pays digitalisent leurs monnaies », a-t-il fait savoir dans un entretien accordé à l’Agence Ecofin.

Le Blog publié par le FMI soulève des risques comme la stabilité financière et une absence de régulation standardisée au niveau international. Mais le système financier international actuel n’est pas que favorable aux économies africaines. Dans le processus de création de la monnaie, les banques centrales africaines sont contraintes par la parité avec des monnaies de référence comme le dollar et l’euro, qui représentent plus de 75% des réserves internationales de change.

Un défi majeur des monnaies digitales comme celles actuellement en déploiement au Nigeria, c’est qu’elles n’enlèvent pas complètement le besoin de contrepartie avec les avoirs extérieurs. Ainsi, une cryptomonnaie autonome au sein des économies africaines, et dont la valeur serait adossée sur des actifs ou la production locale permettrait de donner une impulsion à la dynamique de financement dans la région.

L’idée n’est pas nouvelle. Plusieurs experts du continent ont déjà imaginé des hypothèses où des cryptomonnaies pourraient être créées non pas sur la base des indicateurs macroéconomiques du consensus de Bretton Woods, mais sur la valorisation effective des ressources et des actifs présents dans les pays africains. Dans une telle configuration, un pays comme la RDC générerait de la valeur tant pour son sol, son sous-sol, que pour l’ensemble de sa biodiversité.

La régulation défendue actuellement au sein du FMI n’est pas toujours favorable à l’Afrique, et la dernière solution sur les droits de tirage spéciaux (DTS) le démontre. La région n’a bénéficié que de 6% des nouvelles allocations contre 20% pour un pays comme les Etats-Unis, qui a démontré sa capacité à émettre autant de dollars qu’il n’en faut. Pour augmenter sa part, le continent noir doit rentrer dans des négociations aux conditionnalités qui ne sont pas toujours partagées avec le grand public et dont on découvre souvent les effets négatifs des années après.