Plusieurs centaines d’entreprises françaises réorientent ou accélèrent leur production pour répondre aux besoins croissants des hôpitaux : fabriquer des respirateurs de réanimation, des masques ou encore des gels hydro-alcooliques qui font cruellement défaut.
Premier exemple de solidarité avec ce groupe de quatre industriels qui se sont lancés dans la fabrication de deux gammes de respirateurs de réanimation (8 500 modèles Osiris et 1 500 modèles T60, plus complexes). Il s’agit du constructeur automobile PSA, des équipementiers Valeo et Schneider Electric, pilotés par Air Liquide qui produit déjà ces respirateurs.
10 000 respirateurs facturés à prix coûtant
« L’objectif est de livrer 10 000 respirateurs d’ici mi-mai, explique Jean-Marc Brion, directeur industriel de Schneider Electric. Pour se faire, si on compare par rapport aux capacités actuelles, il y a une gamme où la capacité va être multipliée par trois et une autre gamme où la capacité va être multipliée par 70. Ce qui est intéressant, c’est le travail en commun de personnes qui n’ont jamais travaillé ensemble et qui travaillent ensemble dès le premier jour comme si elles travaillaient ensemble depuis dix ans. »
Dans l’usine de Peugeot-Citroën à Poissy, dans les Yvelines, une cinquantaine de salariés se sont remis au travail. « Les salariés sont tous volontaires pour assembler le module mécanique qui sera ensuite expédié à l’usine d’Antony de l’entreprise Air Liquide qui fera le dernier assemblage pour les respirateurs médicaux, détaille Jean-Pierre Mercier, délégué central CGT de PSA. Contrairement à la production de voitures, c’est une activité indispensable pour les hôpitaux pour sauver des vies. »
Mais comment passe-ton de la fabrication de voitures à la fabrication de respirateurs médicaux ? « C’est juste des opérations d’assemblage mécanique donc il y a besoin d’une certaine agilité, d’une certaine dextérité, et ça les salariés de PSA ils savent faire », balaie Jean-Pierre Mercier.
Une centaines d’entreprises sont mobilisées pour fournir les 300 composants nécessaires pour fabriquer ces 10 000 respirateurs. Ils seront facturés à prix coûtant, pour un total de 35 millions d’euros, selon Bercy.
La filière textile sur le front de production de masques
La marque au losange Renault contribue aussi à l’effort. Elle accélère sa production de visières en plastique, grâce à l’impression 3D, pour protéger les soignants.
La filière textile est, elle aussi, sur le pont pour pallier la pénurie de masques de protection. C’est le cas des maisons de couture, comme Yves Saint-Laurent, mais aussi des PME comme Le Slip français fondée par Guillaume Gibault. « On participe depuis quinze jours maintenant à une mobilisation de la filière textile pour fabriquer des masques, non pas pour le personnel soignant qui a besoin lui de masques FFP2 ou chirurgicaux qui sont fabriqués par des usines spécialisées, mais pour toutes les entreprises qui doivent continuer à travailler pendant cette période de crise, les secteurs comme l’agroalimentaire, la distribution, les pharmacies, la gestion de l’eau, des déchets, tous ces secteurs prioritaires de l’économie », souligne l’entrepreneur.
Le prix de la souveraineté
Donner de l’alcool pur ou fabriquer du gel hydroalcoolique est actuellement la priorité des distilleries comme Pernod-Ricard, des fabricants de sucre ou encore de cosmétiques comme Ibbeo. « Nous avons arrêté toute production de nos cosmétiques pour fabriquer 4 000 flacons par jour de gel hydroalcoolique, rapporte son fondateur Vincent Bobo. Le décret ministériel nous autorise à le fabriquer jusqu’au 31 mai. Nous espérons avoir le soutien, à la fin de cette épidémie, de nos banques pour voir comment on va gérer la situation financière de notre TPE. »
Cet élan industriel peut-il relancer ce secteur dépendant des exportations et à la peine depuis trente ans ? « Ce coût de la non souveraineté économique, que l’on a l’impression de payer actuellement parce qu’on se sent en fragilité quant aux approvisionnements, il a aussi pour pendant un prix de la souveraineté, parce que s’il y a eu de la délocalisation de production c’est aussi parce qu’il y avait une meilleure efficacité économique à faire produire ailleurs. C’est principalement des prix plus faibles. Donc, sera-t-on prêts une fois que l’on sera sorti de cette crise à payer un peu plus cher cette souveraineté économique ? Interroge Denis Ferrand, économiste chez Rexecode. Probablement, oui, au tout début de la crise, mais au fur et à mesure qu’on s’éloignera de la crise, cette question, de produire de manière efficace sur le territoire, se posera de manière de plus en plus crue et de plus en plus économique et moins en termes de nature politique. »
L’industrie française, ce sont 7,5 millions de personnes dans 260 000 entreprises, qui tournent à seulement la moitié de leur capacité depuis le 17 mars, début du confinement.