Le pays est tourné vers l’export, car il ne transforme que très peu de ses matières premières. Un peu moins de 10 % des noix brutes et 30 % des fèves sont transformées en Côte d’Ivoire, malgré la volonté d’atteindre les 50 % d’ici à la fin 2020 pour le cacao et 2023 pour l’anacarde. Face à la situation, le gouvernement vient de mettre en place un fonds d’appui à destination des négociants et des transformateurs ivoiriens de cacao pour garantir leur compétitivité dans la filière.
Ahmed Kamil, directeur d’exploitation de SNTC Cajou, une société qui transforme la noix brute en noix de cajou avant de l’exporter vers les Etats-Unis et l’Europe, suit chaque jour avec attention les déclarations du gouvernement. Il se dit « rassuré » depuis que le premier ministre a annoncé une aide aux transformateurs de noix brutes : « On navigue à vue en attendant la sortie de crise donc cette aide est la bienvenue », reconnaît-il.
« L’entraide a disparu »
Outre les commandes en baisse, la filière doit également composer avec les mesures sanitaires prises par le gouvernement, véritable frein à tous les niveaux. « Le couvre-feu de 21 heures à 5 heures empêche beaucoup de choses : le port et les transports de marchandises tournent à mi-temps alors que c‘est une logistique de jour comme de nuit », développe Denis Cordel, consultant en logistique à Abidjan.
Ahmed Kamil, le transformateur-exportateur, renchérit : « A cause du couvre-feu, nous ne pouvons faire qu’une seule rotation de nos équipes, c’est difficile de transformer dans ces conditions. » De plus, l’isolement de la capitale économique crée « un engorgement », selon Denis Cordel : « Même si certaines dérogations sont prises au fur et à mesure, on est face à un ralentissement général du processus habituel. »
Dans les plantations, les consignes de distanciation sociale compliquent également la situation. « Les planteurs sont presque seuls dans leurs champs. Or ils ont l’habitude de travailler en groupe lors des récoltes, d’alerter les villages voisins pour avoir un coup de main. Désormais, les gens ont peur, l’entraide a disparu », se désole Agnès Yao, directrice d’une coopérative agricole au nord d’Abidjan.
Malgré le soutien de l’Etat, chacun redoute que cette crise économique se transforme vite en crise sociale, tant les cultures de rentes font vivre les familles dans tout le pays. Au Nord, majoritairement musulman, où se concentrent les producteurs d’anacarde, la période de ramadan pousse ces derniers à céder leur récolte, à brader leur stock pour obtenir de maigres revenus et ainsi profiter de cette période festive et coûteuse.
La filière cacao, elle, représente trois millions d’emplois et nourrit au moins huit millions de personnes qui ont désormais les yeux rivés vers les autres pays du monde, leur déconfinement progressif et la reprise de l’économie.