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samedi 20 avril 2024

La finance islamique : un facteur de communication interculturelle

La littérature, reliant les notions de « communication » et d’ « interculturel », est aujourd’hui florissante. On fait recours souvent aux notions de communication interculturelle ou de management interculturel pour faciliter la communication et la gestion des biens et personnes dans un contexte de relations entre cultures différentes. Aussi, ces concepts sont-ils beaucoup utilisés dans les entreprises pour des raisons de management ou de marketing ou dans les institutions étatiques ou non gouvernementales. Mais, qu’entend-on par communicationnel et interculturel ?

Le communicationnel : tout projet interculturel (quelle qu’en soit la nature) nécessite la mise en relation et la participation au moins de deux groupes d’origine culturelle différente. La communication favorise cette mise en relation et facilite la participation des acteurs concernés dans la mise en œuvre de ce projet. Le communicationnel traduit tous les processus de communication qui accompagnent la conduite d’un projet, qu’ils soient ceux établis entre les différents acteurs du projet ou ceux développés à l’endroit  du public.

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 –L’interculturel : Le culturel se veut par lui-même englobant de la personne dans sa totalité et recouvrant donc à la fois : ses origines ethniques, sa religion, sa culture, son milieu familial et social, ses goûts, ses affects, ses comportements, ses attitudes, ses compétences… Le préfixe « inter » contient, à lui seul, toutes les caractéristiques fondamentales que nous retenons pour ce type de relation : il renvoie à la réciprocité, à l’échange, à la communication, au dialogue, de telle façon que chacun offre à chacun l’opportunité d’un enrichissement mutuel.

Une approche communicationnelle et interculturelle des projets ne dissocie pas les deux termes dans la mise en œuvre de ces derniers. Elle renvoie à la « communication interculturelle » dans le sens où l’entend Hans Jürgen Lusebrink : « la communication interculturelle définit des relations entre différentes cultures, et ses relations reposent sur plusieurs processus : des processus d’interaction interculturelle, des processus de perception de l’autre dans l’interaction, mais aussi façonnés et transmis par les médias et des processus de transfert et de réception entre cultures »[1]. Aussi, la communication interculturelle invite-t-elle à une éducation à l’interculturalité, c’est-à-dire à la prise de conscience de la diversité des cultures et à la reconnaissance réciproque de l’altérité en tant que source d’enrichissement mutuel.

Toutefois, les postures que les uns ont par rapport aux cultures des autres ne sont les mêmes. Ce qui nous amène à définir un modèle d’analyse d’appréhension de l’interculturel dénommé approche graduelle de l’engagement culturel sériée en trois niveaux d’engagement culturel : faible,  moyen et fort.

– un niveau d’engagement culturel faible : c’est le genre d’engagement où la prise en compte de la culture de l’autre ne fait pas partie des priorités des organisations islamiques et non islamiques dans la réalisation de leurs objectifs. C’est généralement le cas de projets humanitaires ou d’actes caritatifs suite à une catastrophe naturelle où l’urgence de la situation commande une intervention rapide pour aider les populations en détresse. Le personnel d’une organisation peut recevoir un briefing sur les réalités socio-culturelles des bénéficiaires afin de mieux réussir leurs actions. D’ailleurs, des fois la compréhension de la culture de l’autre est nécessaire à la perception que les populations bénéficiaires ont de cette aide financière ou technique et de ses conséquences dans la vie de ces populations.

un niveau d’engagement culturel moyen : c’est le cas d’un partenariat entre une organisation islamique et une organisation non islamique. Ce partenariat peut amener l’organisation non islamique à s’intéresser à la culture de l’organisation islamique, et vis-versa, soit par la recherche documentaire sur les pays respectifs, soit par le recours à des personnes-ressources, de consultants, soit par une immersion sociale directe afin de mieux saisir les réalités socio-culturelles de ces pays. Sauf que toute cette démarche est effectuée dans le seul but de rendre la réalisation des objectifs meilleure. Ce type d’engagement culturel peut aussi se caractériser par un besoin d’exotisme, une affinité culturelle, entre autres.

– un niveau d’engagement culturel fort se caractérise par une véritable relation d’échange et d’enrichissement mutuel quelle que soit la nature de la relation qui lie un partenaire islamique et un partenaire non islamique. Il est fondé sur le principe du partage d’expériences, de savoirs et de cultures. C’est, en outre, l’occasion de mettre en relation des sociétés et des mentalités différentes. Aussi, la finance islamique constitue-elle aujourd’hui un pôle scientifique important des connaissances actuelles et un facteur d’échange interculturel eu égard à l’émergence des Instituts, des centres de formation, des recherches, des fora, des séminaires, des colloques, des livres, des diplômes universitaires dans ce domaine.

C’est dire que l’interculturel ne peut s’appréhender que par degrés de niveaux d’engagement culturel que nous avons déclinés en trois sortes : faible, moyen et fort. Mais les frontières entre ces trois niveaux d’engagement ne sont pas étanches.

Même si le fait que des pays occidentaux recourent à la finance islamique participe avant tout de leurs besoins économiques, il reste malgré tout une marque de reconnaissance d’une expertise édictée à travers des principes éthiques islamiques. Ce qui donne, d’une manière ou d’une autre, aux musulmans, un sentiment d’être porteurs d’un savoir et d’un savoir-faire que l’Occident accepte et valorise. Il en va de même pour le commerce halal qui, au-delà de la manne financière qu’il constitue, permet aux musulmans de mieux s’intégrer dans les sociétés occidentales, car sur le plan symbolique, ce sont leurs pratiques culturelles et cultuelles qui sont reconnues. Aussi, y a-t-il beaucoup de non musulmans qui mangent halal pour des raisons qui leur sont propres. Enfin, l’installation de banques islamiques dans les pays non musulmans ou des fenêtres islamiques dans des banques non islamiques sont autant de facteurs d’ouverture vers l’autre, même si les premières raisons sont d’ordre financier.

En somme, le titre de l’ouvrage  de  Christophe Eberhard « Droits de l’homme et dialogue interculturel[2] » révèle que le dialogue des cultures ne peut s’opérer que dans le respect des droits de l’Homme, c’est-à-dire dans le respect de son humanité. Chaque culture est un fragment de ce qui fait l’Homme intégral.

[1] LUSEBRINCK, Hans-Jürgen, Les concepts de « culture » et d’«interculturalité ».Approches de définitions et enjeux pour  la recherche en communication interculturelle. ARIC, bulletin n°30 avril 2006.

[2] EBERHARD, Christophe, Droits de l’homme et dialogue interculturel, Editions Ecrivains, 2002.

 

Dr Djibril Safi SECK

Directeur du GREFIA (Groupe de Recherche sur la Finance Islamique en Afrique)

Enseignant dans l’eMBA de Finance Islamique de l’Université de Strasbourg

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