Ya’qûb, dit Abû ‘Alî, surtout connu sous le nom de Miskawayh ou Ibn Miskawayh, est un homme d’État, philosophe, historien, savant et bibliothécaire iranien d’expression arabe, né à Ray en 932 (an 320 de l’Hégire), mort presque centenaire à Ispahan en février 1030 (ṣafar an 421 de l’Hégire).
L’originalité de cet auteur né en Perse (mais qui vécut néanmoins à Bagdad) est de ne pas chercher à concilier philosophie et religion, fait rarissime en Islam. Miskawayh s’intéresse tout particulièrement aux problèmes d’éthique des hommes et des peuples (indépendamment de la religion).
Miskawayh, dans son Traité d’Éthique (MISKAWAYH, Traité d’Ethique, traduction française avec introduction et notes par M. Arkoun, Damas, 1969), et conformément à la pensée économique islamique, distingue l’enrichissement par le travail de l’enrichissement sans cause, qu’il réprouve sévèrement.
Mais, il va plus loin en affirmant (à l’inverse d’Al Muqaffa) qu’il y a des limites à l’acquisition des richesses : il ne faut pas réaliser d’odieux profits, et respecter un certain juste milieu : « L’homme acquiert les biens là où il le doit et s’en désintéresse là où il ne doit pas en acquérir ».
S’agissant de la consommation, Miskawayh se montre éminemment moderne dans la mesure où il évoque (sans les nommer) les caractères de « non rivalité » (la consommation d’un bien par un individu ne doit pas affecter celle des autres) et de « non exclusivité » (le bien est fourni pour tous) des biens.
Cela est tout à fait intéressant car la mondialisation, avec la promotion des « Biens Publics Mondiaux » (environnement, santé, eau, etc…) a remis ces notions au goût du jour, que l’on pense de notre temps, mais dont les penseurs musulmans avaient compris l’impératif dès le Xème siècle !
Quant à la redistribution, l’homme du juste milieu de Miskawayh, qui vit entre le luxe et la pauvreté, ne se distingue guère de celui d’Al Jâhiz. Miskawayh en tire néanmoins des implications politiques qui n’apparaissaient pas chez les précédents auteurs.
Il estime, en effet, que l’entraide et la solidarité ne répondent pas seulement à des nécessités économiques et/ou morales ; en effet, selon lui, les transferts de revenus et les dons ont une contrepartie politique. C’est effectivement une façon pour les nantis d’acheter la paix sociale aux pauvres, au peuple qui commence à gronder et à s’agiter.