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vendredi 29 mars 2024

Les huiliers étalent leurs inquiétudes, les producteurs se frottent les mains

La campagne de commercialisation de l’arachide 2019-2020 qui  a démarré depuis le 3 décembre passé bat de l’aile. En effet, pour cette année, on note une campagne à double vitesse car au moment où les producteurs sont en train de vendre leurs récoltes à  un  prix supérieur à celui fixé par l’Etat qui est 210 francs le Kg, les huiliers ne savent plus à quel saint se vouer puisque  les Chinois ont amassé une grande partie de la production arachidière de cette année. Les huiliers, inquiets du rythme de cette campagne,  demandent à l’Etat de  mettre de l’ordre dans le secteur arguant qu’une  menace de perte d’emplois plane au niveau de la Sonacos Sa. Sud Quotidien revient sur le déroulement de cette campagne dans les régions de Kolda, Diourbel, Ziguinchor et Kaolack.

KOLDA : Les producteurs aux anges, les opérateurs se plaignent

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Jamais de mémoire de producteur d’arachide, une aussi belle campagne de commercialisation arachidière n’a été enregistrée. Enfin le producteur peut vendre au plus  offrant. « Nous étions souvent obligés, les années passées, de bazarder nos graines. Dieu a fait venir les Chinois qui se déplacent avec des camions dans nos villages pour acheter de 225F a 275F le kilo sans criblage. Vraiment, c’est une chance pour les paysans. Il ne faut surtout pas nous parler de la SONACOS qui ne sert qu’à exploiter les producteurs », lance tout sourire Demba Baldé.

Le discours est pratiquement le même chez les producteurs. Ils sont en train de vendre a 250F le kg à Niaming, dans le département de Médina yéro Foulah, nouveau Bassin arachidier. Ici personne ne peut avoir une graine à moins de 240F, nous explique un des acteurs à Niaming. L’homme est dans le sérail depuis plus de 40ans. « C’est une campagne pour les producteurs. La SONACOS est obligée de s’adapter ou disparaitre. Ne parlez surtout pas des subventions des semences »,  fulmine Aly, producteur a Saré Mamoudou.

Allant dans le même sens,  Oumar Baldé déplore : « les subventions vont au Café de Rome, pas pour nous producteurs. Il faut travailler pour que chaque producteur puisse garder ses propres semences. Et aujourd’hui, il  faut que la sensibilisation soit accentuée sur le sujet. Mais avec cette vente libre, la SONACOS n’a aucune chance ».

Il   souligne que la filière a été toujours gangrénée par des intermédiaires et autres truands. « Certains opérateurs qui pleurnichent sur leur sort aujourd’hui, ont toujours fait du mal aux paysans. Les histoires de bons impayés et autres opérateurs ayant vendu des mauvaises semences ont jalonné toutes les anciennes traites arachidières. Même lors de  la dernière campagne a Bouborel, dans la commune de Coumbacara, des paysans étaient obligés après plusieurs mois d’attente  de prendre des sacs de maïs pour ne pas perdre leur arachide», explique Omar Baldé de Coumbacara.

A côté, les Chinois ont aussi introduit des batteuses qui facilitent véritablement la finition des travaux champêtres. Dame Cissé, président des OPS de la région de Kolda et habitant le département de Médina yéro Foulah regrette cette situation, car dit-il, sur le terrain, ils n’osent pas affronter les Chinois. Pour lui, il  faudra que la SONACOS trouve une solution. Car personne ne peut faire la concurrence à ces hommes qui font village par village pour tout emporter. Toutefois, il  reconnait que c’est une chance unique pour les producteurs d’arachide.

DIOURBEL /MAUVAISE DEMARRAGE DE LA CAMPAGNE DE COLLECTE DE L’ARACHIDE : Les huiliers  invitent l’Etat à mettre de l’ordre  dans la filière 

La campagne de commercialisation de l’arachide est  très mal partie pour  les huiliers. En effet ,la Sonacos  Sa  n’a pas encore collecté plus de 1 000  tonnes contrairement à l’année dernière à la même période  où  il y avait une  collecte  de  10 000 tonnes  .En ce qui concerne l’unité de Diourbel, une collecte de 300 tonnes a été effectuée. C’est une campagne de collecte qui est très mal partie. Sauf exception, on risque d’avoir une mauvaise campagne de commercialisation. La situation  n’est pas reluisante. On était à une collecte de près de 10 000 tonnes l’année dernière à la même période mais  aujourd’hui, on n’a pas atteint 1 000 tonnes. La campagne est complètement déréglée, parce que  les  Chinois sont arrivés sur le terrain bien avant que le commercialisation ne démarre. Ils se sont déplacés  jusqu’au niveau des champs pour marchander avec les producteurs agricoles. Et à cela s’ajoute le fait que la production enregistrée depuis le début de la campagne n’est pas fameuse », déplore Monsieur Thie Mbaye Ndiaye, le secrétaire général adjoint du Syndicat national des corps gras. Et Thie Mbaye d’ajouter : « l’argent est disponible pour acheter des graines. Nous allons demander à l’Etat de mettre un peu de règles dans le jeu, c’est-à-dire  dans la commercialisation des graines. Ce n’est pas rassurant.  La Sonacos Sa avait recruté un certain nombre de jeunes pour l’entretien et le démarrage des usines, mais nous leur avons donné des préavis pour qu’ils arrêtent. Ce qui constitue des pertes d’emplois. Elle  avait recruté 1 800 agents, l’année dernière ». Les producteurs agricoles  de Diourbel se tournent au niveau de Touba pour écouler leurs graines. Mamadou Ngom de la commune de Taiba Moutfa déclare : « je préfère vendre ma production arachidière à Touba que  de la vendre dans le circuit officiel. Nous vendons le Kg d’arachide entre 290 et 300 frs au marché de Gare Bou Ndaw », confie-t-il.   Pour  Gora Ndiaye , un producteur agricole de Bambey, il est impensable de vendre le kg en deçà du 275 frs. Pour que la Sonacos Sa puisse avoir des graines, soutient-il,  il faut qu’elle revoie le kg d’arachide à la hausse. Pour sa part, le Président de la Fédération nationale des opérateurs semenciers et stockeurs Cheikh Bara Gueye invite l’état à réglementer la collecte des semences bien avant les écrémées. Sans cela,  indique-t-il, nous risquons de ne pas collecter la quantité de graines souhaitée. Il faut rappeler que l’usine est prête à recevoir jusqu’à 5 000 tonnes de graines d’arachide par jour.

KAOLACK : L’inquiétude des entreprises huilières se manifeste de plus en plus

Vingt (20) jours après son démarrage officiel, la campagne de commercialisation agricole et arachidière n’est pas toujours au bonheur des industries huilières et les nombreux opérateurs qui les accompagnent. Contrairement aux précédentes éditions où l’on voyait les producteurs en souffrir le plus, la campagne sourit cette année plus aux paysans qu’aux entreprises huilières. Car après près de trois (3) semaines d’intenses activités, ces entreprises peinent à conquérir le marché et beaucoup d’entre elles n’arrivent guère à collecter les tonnages prévus dans leurs prévisions. Les points de collecte qu’elles ont installés un peu partout dans les villages et au niveau de certaines communes sont quasiment vides au profit des marchés hebdomadaires ou autre lieu de spéculation implantés dans les villes et leurs alentours. Ainsi en la date du 23 Décembre, la compagnie de production des Oléagineux (Copéol) n’a pu faire réception que de 400 t sur un objectif de 80.000 t. La Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (Sonacos) en a 780 t, sur une prévision de 65.000 t. Durant la première semaine d’évaluation du comité régional de suivi de la campagne, il était constaté que les trois entreprises de Kaolack réunies à savoir la Sonacos, la Copéol et le West Africa Oil (Wao) n’ont pu dépasser le cap du millier de tonnes et se sont limitées à 600 tonnes. Contrairement au marché de l’exportation qui ne s’était contenté que de 26.000 t. Une situation qui, visiblement est synonyme de la faiblesse de la production obtenue cette année en arachide, mais surtout du montant des prix fixés sur le marché dont l’essentiel tourne entre 240, 250, 275 et même 300 Frs au niveau de certains lieux de spéculation où la qualité de graine en vente se trouve meilleure. C’est aussi une problématique qui découle en grande partie de l’impossibilité des compagnies huilières d’intégrer cette concurrence, autrement dit, respecter cette loi du marché et payer ces prix au même titre que certains opérateurs privés ou les exportateurs. Ce qui du regard de certains observateurs n’est pas encore autorisé, compte tenu de la nature des budgets détenus prévus par chaque entreprise pour acheter la quantité prévisionnelle et l’absence d’une ligne subventionnelle que l’Etat pouvait accorder aux compagnies afin de leur permettre de pouvoir absorber en évidence la marge différentielle tarifaire, car même au sein des producteurs, beaucoup ont peur que les industries ne réussissent pas à mobiliser les quantités nécessaires de semences pour garnir la prochaine campagne agricole. Dans le système de transport régional et interrégional, cette situation a relativement réduit les activités des milliers de transporteurs de gros camions. D’habitude à pareilles moments de campagne, ils étaient des centaines de grosses caisses à faire la queue devant les unités industrielles attendant leur tour pour être déchargés. Ce qui n’est pas pour le moment le cas devant les entreprises huilières où ces gros porteurs se font de plus en plus rares.

ZIGUINCHOR : Acteurs et huiliers plongés dans l’inquiétude totale

Le démarrage de la campagne est des plus calamiteux à Ziguinchor où aucune graine n’est encore réceptionnée par l’usine Sonacos Ziguinchor. Certains acteurs de cette campagne sont dans l’inquiétude la plus totale, c’est le cas des Opérateurs privés stockeurs qui n’ont toujours pas démarré les opérations de collecte. Eux qui réclament la hausse du prix du kilogramme fixé à 210 f par l’Etat « Pas question de vendre à ce prix si nous sommes obligés d’acheter le kilo à 250 francs CFA chez les paysans. En brousse, le prix du kilo s’échange à 250 francs CFA. Il faut que la Sonacos revoie son prix, sinon nous ne pouvons acheminer les graines avec cette situation … » martèle Assane Mbaye, Secrétaire général de l’Association des OPS du sud. Une situation qui indispose ces acteurs de la filière qui ont immobilisé leurs camions, le temps d’y voir plus clair. Un tour dans les zones rurales laisse dégager une véritable spéculation dans cette campagne. Les paysans campent sur leur position et vendent le kilo à 250 francs. Bourama Sonko, trouvé dans son champ dans les environs de Sindian, est catégorique « Nous ne pouvons pas travailler difficilement et brader l’arachide au prix fixé par la Sonacos. Ici, nous échangeons le kilogramme à 249 francs à des privés qui collectent et acheminent vers le centre du pays. Si la Sonacos veut l’arachide, il faut qu’elle débourse comme ces privés ou ces Chinois ». Une campagne de commercialisation arachidière qui se déroule sur fond d’inquiétude pour la plupart des acteurs. Et les soucis vont crescendo du côté des huiliers qui s’interrogent sur leur avenir à ce rythme où vont les choses et c’est un parfum de chômage qui est perceptible à l’usine.

Aujourd’hui, les préposés à la réception des graines  tournent les pouces dehors. Pas d’activités; ils s’inquiètent « Nous sommes là ; on attend mais on a vraiment peur pour notre avenir. Par ce que sans activité, on risque de ne pas avoir de salaires…», lance avec dépit un travailleur sous le couvert de l’anonymat. L’objectif de quarante-cinq mille tonnes d’arachide assigné à l’usine Sonacos Ziguinchor, pour cette année, risque de ne pas être atteint. Il faut rappeler que lors de la précédente campagne, l’usine Sonacos n’a pu réceptionner que 28 mille tonnes sur l’objectif de 45 mille tonnes.

sud quotidien

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