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jeudi 28 mars 2024

L’Eurobond Sénégal 2021 et l’usure du gotha financier

Jeter une pierre pour atteindre deux cibles c’est ce qu’a réussi avec brio l’État du Sénégal à travers son administration de l’économie et des finances qui ont piloté l’Eurobond 2021.
 
En effet la nouvelle émission Eurobond (obligations souveraines) portant sur 775 millions d’euros, soit 508 milliards de FCFA, avec un taux d’intérêt fixe de 5,375 % sur une maturité finale de 16 ans permet de donner à l’état les moyens de financer sa participation dans les méga- projets pétroliers et gaziers en temps refinancer le stock actuel de la dette avec des taux allongés c’est – à – dire des paiements de services de la dette est des emprunts plus souples.
 
La vraie prouesse de l’administration des finances c’est d’avoir réussi à aiguiser l’appétit des gestionnaires de l’épargne mondiale sur nos titres de créances dans cette période de pandémie marquée par une récession mondiale et une reprise d’activité timide en Afrique au Sud du Sahara. Bravo donc au duo Ministre des finances et ministre de l’économie.
 
Pour rappel un « Eurobond » (ou une « euro obligation ») est une obligation (titre de créance) libellée dans une devise étrangère, c’est-à-dire dans une monnaie autre que celle où réside l’émetteur pour le cas du Sénégal c’est l’euro devise sur laquelle le France CFA est adossé.
 
 Contrairement à ce que peut suggérer leurs noms, les Eurobonds sont principalement libellés en dollar des USA. Toutefois, il est à noter que ces obligations sont principalement cotées sur les places financières européennes. En Afrique de l’Ouest, 5pays ont déjà émis des eurobonds :  le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigéria et le Sénégal.
 
Avant le Sénégal deux pays ont particulièrement bien réussi à solliciter des fonds importants auprès des investisseurs institutionnels : la Côte d’Ivoire a émis  un Eurobond d’1 milliard d’euros sur  un carnet d’ordres de 5 fois le montant recherché avec un coupon de 4,875% pour une maturité de 11,2 ans puis  le Bénin qui a levé, mi-janvier, 1 milliards  d’euros à travers  deux tranches  dont l’une de 11 ans pour 700 millions d’euros  au taux de 4,875% et la seconde  de 31 ans pour 300 millions d’euros  au taux de 6,875%.
 
Au vu de cela, le Sénégal semble avoir bien tiré   son épingle du jeu surtout en termes de fonds levés. Les gestionnaires de fonds ; banques et investisseurs intentionnels voulaient nous prêter beaucoup plus avec des échéances d’amortissement sur une période de 16 ans ce qui est soutenable pour le Sénégal surtout si l’exploitation du pétrole et gaz se matérialise et que nous parvenions à relancer notre économie en retrouvant les taux de croissance d’avant la pandémie. 
 
Pour ce qui veulent précipiter l’avènement de l’Eco peut être les eurobonds constituent déjà un argument à leur opposer en effet les obligations libellées en euros permettent à nos états de mitiger le risque de change et c’est un avantage non négligeable dans ce genre d’exercice si nous voyons le casse-tête que peut constituer la volatilité dans le marché des changes pour des pays comme le Nigeria et surtout de l’argentine.  
 
Toutefois le bol d’oxygène que peut représenter les eurobonds n’aura pas les effets bénéfiques sur le long terme pour nos pays surtout avec les taux élevés auxquels nous sommes sollicitent et lèvent des fonds sur les marchés financiers. En Europe et en Amérique du Nord des pays avec les meilleurs profils comme l’Allemagne et la France et dans une certaine mesure le Canada et le Japon peuvent lever des fonds avec des taux d’intérêt négatif dans tous les cas les obligations sur 10 à 30 ans ne dépassent jamais 1,46 % alors que c’est plus de 300 à 500 points de base pour des pays en Afrique du Sud du Sahara comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire.  C’est trop.
 
Ainsi pour le Sénégal sur les 508 milliards de FCFA levés au taux d’intérêt fixe de 5,375 % c’est une somme de 60 milliards au minimum qu’il faut ajouter au montant initial de la dette aux termes de 16 ans de paiements. Cela veut dire qu’un emprunt de 508 milliards coûtera aux contribuables après 16 ans de services de la dette 570 milliards de FCfa minimum. Ce qui est énorme, illicite et même usuraire.
 
Il faut urgemment poser le débat au niveau des instances internationales sur les taux élevés des enrobons et leur soutenabilité dans un contexte de fragilité des relances économiques imposées par la pandémie covid 19. En attendant, nos états devraient mettre l’accent sur le concessionnel ou les taux dépassent rarement et exceptionnellement 2%. L’Afrique a besoin d’un new deal en termes de taux obligataire.
 
Moustapha DIAKHATE
Ex Cons. Spécial Premier Ministre
Consultant et Expert 

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