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dimanche 4 juin 2023

Radioscopie de la baisse de croissance économique au Sénégal

Le ralentissement de la croissance économique du Sénégal, passée de 6,7 % en 2018 à 6,0% en 2019, n’a pas manqué de susciter moult interrogations sur les perspectives économique de 2020, mais aussi la possibilité de l’Etat à concrétiser ses grands projets de développement. Décryptage des experts en économie.
C’est une curieuse confrontation de vents contraires. Un souffle d’optimisme sur l’économie sénégalaise, au lendemain d’une année de ralentissement économique. 2020 s’ouvre avec des inquiétudes… mais aussi avec de forts espoirs pour le Sénégal. Les signaux oscillent entre le vert et rouge, au gré des indicateurs que des économistes, triés sur le volet, on décrypté pour l’observateur.

Le rapport sur « la situation économique et financière en 2019 et perspectives en 2020 » de la Direction de la prévision et des études économiques(Dpee) du ministère de l’économie, du plan et de la coopération qui révèle la chute du taux de croissance du produit intérieur brut(Pib) à 6% en 2019, contre 6,7% en 2018, donne froid dans le dos de certains économistes. Qui parle de craintes qui planent sur la croissance économique du Sénégal.
Même s’il trouve que le taux de croissance de 6% est honorable, l’économiste Meissa Babou soutien que la baisse de la croissance en 2019 est « un mauvais signe ». Car, dit-il « en perdant de la croissance, c’est l’économie qui recule. L’Etat perd en fiscalité. L’emploi ne sera pas au rendez-vous ». Il est conforté par l’économiste Cherif Salif Sy qui signale qu’ « avoir une croissance qui recule, il y a toujours un risque énorme. Quand la croissance recule, il y a forcement moins de création d’emplois. Et ça peut être une affaire de moins de recette pour l’Etat, moins d’investissement dans les secteurs productifs, comme dans les secteurs sociaux. Il faut toujours surveiller l’économie parce qu’il y a toujours des risques qu’on ne maitrise pas ».

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« A part le Brt, presque tous les chantiers publics sont à l’arrêt »
Meissa Babou pointe du doigt le manque d’investissement public noté en 2019 : « il n’y a eu aucun investissement nouveau, à part le Projet du Bus rapid transit (Brt). Il n’y a pas eu d’investissements publics lourds. L’investissement privé aussi n’a pas suivi jusqu’en fin d’année 2019. Presque tous les chantiers publics sont à l’arrêt », indique l’enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Un quasi statu quo qui est un des facteurs de décroissance qui ont été à l’origine du recul des prévisions de croissance. « A ce rythme, on ne peut pas espérer ouvrir de grands chantiers. Le Trésor publique est essoufflé. L’Etat du Sénégal n’a plus d’argent. Il ne faut pas s’attendre à de grands projets clés en main des Chinois et Turcs », avise M. Babou. Pour Mor Gassama, économiste enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), cette baisse de la croissance en 2019 était prévisible. « Lorsqu’on est en année électorale, note-t-il, l’activité économique est au ralenti». Certains investisseurs qui doivent venir ont souvent tendance à observer ce qui se passe dans le pays. « Il n’était pas évident pour quelqu’un qui devait investir de s’engager à 100%. Il faut y voir plus clair avant de mettre son argent. C’est ce qui fait que beaucoup d’activités étaient au ralenti. L’investisseur n’aime pas aller à l’aventure », signale Mor Gassama. En écho, l’économiste Moubarack Lo surligne qu’ « au Sénégal, l’investissement public qui était un des moteurs de la croissance des dernières années a un peu fléchi ».

« Si l’Etat continue dans la même lancée que la Pse1 en 2020, ça sera la catastrophe »
Dans sa lancée, Meissa Babou signale que les ratés du Plan Sénégal émergent 1 (Pse1) doivent être les défis du Pse 2 en 2020. Pour lui, il faut des investissements sociaux de base conséquents. L’Etat doit investir sur les hôpitaux, les écoles, mais surtout relever le plateau médical pour assurer aux Sénégalais une meilleure santé. L’Etat, poursuit-il, doit continuer les bons points du Programme d’urgence de développement communautaire (Pudc) et de la Couverture maladie universelle (Cmu) et « arrêter la farce politique de la bourse familiale ». Il doit aussi essayer de mettre en place un système d’industrialisation de petites unités pour créer les conditions d’absorption du chômage. « Si l’Etat continue dans la même lancée que la Pse1, ça sera la catastrophe. Parce que dans 4 ou 5 ans, s’il n’y a pas d’universités, d’hôpitaux, ce pays-là va exploser. Il faut absolument s’engager dans la voie d’un investissement social conséquent, même si l’on sait que très peu de partenaires vont accompagner le Sénégal », prévient Meissa Babou.

Cherif Salif Sy, quant à lui, invite l’Etat à trouver les moyens de soutenir la croissance. M. Sy note l’urgence de reconstituer le stock de la dette intérieure. Pour Cherif Salif Sy, « que l’on passe du taux de croissance de 6,7% en 2018 à 6% en 2019, cela ne pose pas de problème. Ça pose un problème ailleurs, surtout dans la façon dont il est brandi tres souvent par les tenants du pouvoir et leurs militants, quel que soit le régime. Tres souvent, on le brandit d’une certaine manière qui fait que cela peut se retourner contre eux ».

« Le double défi de l’Etat en 2020 »
Même s’il signale que la baisse du taux de croissance en 2019 n’aura pas d’incidence sur l’économie en 2020, Moubarack Lo indique cependant que le défi de l’heure pour le Sénégal est double. Le premier défi, soutient le Directeur General du Bureau de Prospective économique du Sénégal, est de relever le potentiel de croissance et de le porter à 10%, voire un peu plus les prochaines années. « Parce que si vous n’avez pas un potentiel de croissance élevé, même si vous fonctionnez à plein régime, vous ne pouvez pas dépasser certains niveaux. Aujourd’hui, si l’industrie et les services fonctionnaient à merveille et que l’agriculture augmente, l’économie pourrait ne pas dépasser 8%. Parce qu’on n’a pas les capacités installées qui nous permettent, par exemple, d’avoir des taux de croissance supérieurs à 10%. Donc, il créer ce potentiel par l’investissement, mais également par une plus grande productivité qui suppose des efforts de formation, d (organisation. Mais ce n’est pas une chose qui se fait du jour au lendemain. Ça demande une planification et des investissements, y compris en organisation, en méthode et en technologie. Si toutes ces conditions sont réunies le Sénégal pourrait augmenter sa croissance au-delà de 10% », révèle Moubarack Lo. Le deuxième défi, ajoute-t-il c’est la durabilité de la croissance. « Quand vous avez une économie qui progresse vous des chocs qui se produisent. Donc, il faudrait développer la capacité de l’économie à avoir de la résilience pour résister aux chocs. Il faut également des niveaux constants et élevés, des investissements publics et privés. Il ne faut pas que ça augmente et ensuite ça baisse. Cela joue sur la croissance. Quand vous n’avez pas cette durabilité et cette résilience, ce sont des contre performance », explique t-il.

L’enseignant-chercheur en science économique à l’Ucad Thierno Thioune, reste convaincu que la croissance va bondir en 2020. L’Etat, indique l’économiste, a fait des investissements dans le plan d’actions prioritaires 2(pap2) qui vont commencer à porter des fruits en 2020. « En 2020, on aura un taux de croissance supérieur à celui de 2019. Les investissements entrepris par l’Etat dans le cadre du Millenium challenge account (Mca) dans le secteur de l’énergie, mais aussi dans le cadre du programme d’accélération de la cadence de l’agriculture sénégalaise (Pracas) pour l’autosuffisance alimentaire contribueront à impacter positivement la croissance en 2020. » Pour lui, en 2020, s’il n’y a pas de chocs extérieures liés à la conjoncture internationale, l’investissement publics qui ont augmentés de plus de 20% en 2019, vont impacter positivement la création de la richesse.

« L’urgence de maintenir une politique d’endettement prudente »
Moubarack Lo regarde lui aussi l’avenir immédiat avec sérénité : « en 2020, l’économie devrait atteindre plus de 7%. Car, le Sénégal a encore la possibilité de faire de bons investissements financés par la dette ». L’essentiel avise t-il, et que ça soit des investissements rentables et profitables pour augmenter la productivité et satisfaire la dépense sociale. « Il faut maintenir une politique d’endettement prudente, comme le fait le gouvernement. Globalement la politique d’endettement actuelle est bonne », avance M. Lo. Porté par le même souffle d’optimisme mesuré, l’économiste Mor Gassama estime que les progrès observés en 2018 en matière de croissance pourront reprendre en 2020, si le Sénégal démontre une capacité d’absorption des fonds d’investissements, tout en élargissant l’assiette fiscale pour capter plus de recettes intérieures. Puis qu’il n’y a pas d’élection en vue. « La où le bas blesse, c’est par rapport à l’augmentation des prix de production. Si le président de la république diminue les prix, il n’y aura pas de souci. Le cas contraire, forcement cela aura des répercutions sur l’économie », confie t-il avant d’alerter : « on peut s’attendre à la chute de la croissance du PIB, lorsque l’on se dirigera vers 2023 et 2024. Si l’histoire du 3e mandat n’est pas édifiée, forcement on aura la même chose que ce qui c’était passé en 2011 où il y avait beaucoup de marches et de perturbations du pays lorsque les populations exigeaient le départ du pouvoir de Me Abdoulaye Wade qui voulait un 3e mandat.

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