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lundi 25 septembre 2023

Regards sur la prochaine loi de finance du Sénégal : Quelles Compréhensions du Budget-Programme 2020 ? (Par Dr Thierno THIOUNE)

Le gouvernement du Sénégal va adopter à partir de 2020 un nouveau système budgétaire appelé budget programme. Cette nouvelle loi de finance obéit aux instructions inhérentes au nouveau cadre harmonisé issu des directives de l’UEMOA de 2009 en matière de réforme et d’harmonisation du cadrage budgétaire des 8 pays de l’Union. 

A tout point de vue, en entreprenant cette réforme profonde du budget général qui fait passer le système budgétaire de budget moyen au budget programme, le gouvernement du Sénégal, de manière révolutionnaire à bien des égards, entend viser plus d’efficacité dans l’action publique en référence aux Etats Unis qui ont été les pionniers dans la mise en pratique de ce type de modèle avec en 1962 une application au budget du département de la défense.

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Alors, la lecture que j’en fait est qu’on peut attendre de cette innovation une rationalisation de la décision publique qui intègre une nouvelle conception économique du rôle de l’Etat, producteur de biens et de services répondant aux besoins intangibles des citoyens avec plus d’efficacité économique et sociale que d’efficacité financière. Cette nouvelle méthode budgétaire renforce la qualité des décisions budgétaires pour directement réaliser les résultats souhaités par les citoyens.

Qu’en est-il du budget-programme ?

Faut-il rappeler que l’ère du budget-programme a débuté depuis les années 70 et souffle un vent nouveau, avec l’appui des partenaires techniques et financiers que sont les institutions de Brettons Wood, sur les pays comme les nôtres qui se sont lancés sur les chantiers de transformation structurelle de leur économie. 

A cet égard, de plus en plus, le budget programme s’applique comme nouvelle règle de gestion budgétaire en ce sens qu’il est basé sur des résultats clairs et précis à obtenir en privilégiant la performance compte tenu des actions et des objectifs intermédiaires ou spécifiques intégrant l’ensemble des contraintes. 

C’est un véritable document de planification, un outil adapté qui allie les ressources matérielles, financières et humaines aux actions et objectifs. C’est un grand pas que le Sénégal va franchir avec ce nouveau système budgétaire et cela me réconforte et c’est tout heureux pour moi qui ait toujours défendu l’idée selon laquelle on devrait aller vers des critères de performance budgétaire afin de mieux évaluer l’action budgétaire, de le constater.

La nouveauté substantielle réside au fait que maintenant ce nouveau type de gestion budgétaire connaît un élargissement de son périmètre aux ministères sectoriels conduisant des politiques publiques à travers une budgétisation axée sur les résultats de développement (GAR).

Aussi, des innovations budgétaires essentielles dans ce nouveau dispositif méritent d’être relevées notamment la déconcentration du pouvoir d’ordonnateur principal des dépenses (jusqu’ici propre au seul ministre des finances), la nécessité de la sincérité budgétaire et le renforcement du rôle du Parlement et de la Cour des Comptes.

Qui va contrôler les ministres et quelles seront leur niveau de responsabilité ?

C’est le nœud du problème dans la mesure où avec ce nouveau principe budgétaire,il est permis à un gestionnaire (ministre ou directeur général) (sous certaines conditions) d’utiliser des crédits disponibles à l’intérieur d’un programme, pour des dépenses auxquelles ils n’étaient pas initialement destinés. 

Vous voyez les conséquences ! Si on n’y prend pas garde, les vieux souvenirs de dépassement budgétaire peuvent nous rattraper sans la présence d’organe de contrôle jouant pleinement leur rôle notamment les institutions parlementaires et les corps de contrôle. 

Comme c’est le cas aux États unis où le Congrès, institution très puissante, décide non seulement des montants totaux des dépenses du gouvernement, mais aussi du détail de la dépense avec une précision et une minutie qui, contrairement en France comme au Sénégal, relèveraient de l’exécutif. Malheureusement, c’est toute cette différence qui devrait être renforcer dans notre système constitutionnel en matière d’élaboration et d’exécution d’un budget programme. 

En soi, il importe d’éviter d’empiler les réformes. La réforme en profondeur ne doit plus être du « Top-Down » mais elle doit être de l’émanation du peuple par l’exercice du pouvoir parlementaire.

La responsabilité des ministres, des présidents des institutions constitutionnelles, des directeurs généraux ou des gestionnaires tout court est qu’ils deviennent des ordonnateurs principaux des crédits des programmes de leur ministère ou de leur institution car fixant les objectifs généraux poursuivis dans la mise en œuvre des politiques sectorielle. Alors, ils seront soumis à l’audition et à la reddition des comptes.

L’assemblée nationale est-elle assez outillée pour le contrôle du nouveau système budgétaire en vue en 2020 ?

Bien sûr que l’assemblée nationale, les députés j’allais dire disposent d’un droit d’information et de communication sans réserve sur tous les aspects relatifs à la gestion des deniers publics. 

Concrètement, ce nouveau système budgétaire admet la fongibilité des crédits. 

Et dans ce sens, comme il est clairement indiqué dans l’exposé des motifs de cette nouvelle loi de finance, l’assemblée nationale reconnaît formellement aux ministres et aux gestionnaires en général la liberté d’utiliser globalement les crédits, à charge pour ces derniers de les redéployer au sein d’un programme en fonction des résultats et au regard des objectifs qui ont été affichés dans les programmes. Ce qui fait que tout ministre peut être auditionné à tout moment par l’assemblée nationale qui peut confier à la Cour des comptes des missions d’enquêtes, nécessaires à son information.

La réforme serait plus courageuse si on arrivait par le biais de la constitution d’interdire expressément aux ministres et ou aux gestionnaires de faire la moindre dépense sans l’autorisation préalable de l’assemblée nationale pourvue qu’elle soit mieux outillée à la fois dans sa composition et dans son fonctionnement. 

Avec un tel pouvoir financier, l’assemblée nationale limitera l’action du pouvoir exécutif et pourra de manière concrète décider des montants, des détails des dépenses de l’Etat et faire un monitoring au grand profit des citoyens qui la mandatent.

Somme toutes, la notion de programme sera la pièce maîtresse du nouveau dispositif budgétaire au Sénégal. 

Donc l’établissement d’un budget-programme obéissant à la rationalisation des choix budgétaires pour l’affirmation du principe de performance dans l’exécution des actions publiques se fera ou ne se fera pas sans une réforme institutionnelle des institutions constitutionnelles, parlementaires et des organes de contrôle jouant la plénitude de leur rôle.

 

Dr Thierno THIOUNE

Maître de Conférences Titulaire FASEG/UCAD

Directeur des Etudes du CREFDES

Membre du Conseil Scientifique du LARED

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